3-4 Mars : Strasbourg. Prologue.
Çà y est, c’est le retour. Faut bien finir ce qui a été commencé ou du moins il faut essayer.
Cette fois ce sera en mode solo, en hiver, et comme toujours à la « Belle », ou du moins c’est l’idée. Si tout se passe correctement, je pars mardi 9 à 22h. J’attends mes sacoches, et je stress pas mal aussi, le froid, le voyage en solitaire, etc…pas mal d’éléments à gérer autres que la fatigue du travail et le manque évident de préparation. Mais j’essaye de « m’en foutre », j’irai.
J’ai opté pour un mini budget, et çà aussi me stress. J’ai pas peur, mais tant que tout n’est pas prêt, je m’inquiète même si je ne dois pas douter, faut rester zen. J’ai du mal à dormir, je me lève la nuit pour réfléchir encore et encore, je ne peux pas tout anticiper, et tant bien même…où serait l’intérêt. Cependant, je ne veux pas me planter comme la dernière fois, mais l’aventure c’est l’aventure, et mieux vaut garder le courage pour la route et l’effort.
N’empêche que je ne sais pas trop par où je vais aller. Chez moi bien sûr, mais comment çà va se passer….Drôle de projet…c’est autre chose que la visite du Japon qui était prévu à la base avec mon frère et qui s’est annulé quelques jours auparavant. Mais j’espère que ce sera tout aussi marquant. Finir ma traversée de l’Europe Nord-Sud, repousser ses limites, aller au bout de soi même. Bien sûr, il y a les autres, ils sourient, rigolent, me mettent la pression et je ne veux pas les décevoir, ni moi-même. Oui, je suis un gros frileux, et c’est l’hiver ou du moins la fin…les températures sont fraiches, et ce sera une première pour moi. « Je maintiendrai » la devise des Pays Bas…sonne comme un encouragement, donc, faudra tenir.
9 Mars : Strasbourg => Amsterdam (par le train via Kehl, Offenburg).
Ca y est c’est le grand jour. Après quelques jours de stress, pour re-réparer, changer un pneu usé, faire et refaire mes sacoches qui sont enfin arrivées. Voir et revoir le parcours avec Google Earth, lors de mes nuits au travail, au point d’en exaspérer ma collègue. Je quitte la maison, ma Femme et les enfants sans une certaine appréhension, pour aller rejoindre la gare de Kehl (à la frontière allemande), vers les 20h00. J’ai opté pour un train de nuit, afin d’arrivé frais et dispo à Amsterdam le lendemain à 9h. Sur le quai, j’ai de l’avance, j’en profite pour appeler mon compère de toujours, pour lui proposer de venir me rejoindre au cas où il aurait changé d’avis. Mais non…il ne viendra pas, je m’en douté, mais j’ai quand même essayé.
Le train est à l’heure, m’emmène à Offenburg pour la correspondance. Le temps d’attendre, je file faire un tour avec le vélo, pour aller me chercher de quoi boire et manger un peu pour la nuit dans le train. Finalement, vers 23h30, je retrouve mon train. J’accroche mon vélo dans son compartiment, le cadenasse bien, puis file dans le wagon couchette avec mes sacoches.
Je trouve ma place, j’essaye de loger mes bagages…et je constate, que, soit je dors sur la couchette et je ne sais où mettre mes bagages soit je laisse mes sacoches à ma place sur la couchette…Bref, pas de place…de plus, tout le monde dort et si je veux grignoter les « en cas » préparés par ma femme, çà risque de gêner les dormeurs. Que faire…je vois le contrôleur, lui explique mon problème, et lui demande l’autorisation de « camper » dans le compartiment à vélo auprès du mien qui est tout seul. Quit à camper, autant commencer de suite. Je sors donc mon tapis de sol, récupère mon oreiller, ma couverture de ma couchette, et me pose comme un cow boy à coté de se son cheval. Seule la lumière m’ennuis, mais le train avance et comme je suis bien installé, j’en profite pour manger, somnoler. Çà commence drôlement ce roadtrip…
Quelques temps après, une sorte de « rockeur » allemand, vient taper la conversation avec sa bière. On trinque, on papote jusqu'à 2h. Il m’explique qu’il est fan de courses de moto etc.…Finalement, il me laisse enfin me reposer, et je ne dors que par à coups.
Le train s’arrête à Mannheim, je pensais que c’était juste un arrêt, mais à ma grande surprise, on n’a toujours pas bougé à 7h…Grève…fallait que nos amis allemand fassent grève aujourd’hui, alors qu’ils ne font jamais çà d’habitude…çà commence bien. Je me renseigne, mais on me propose que des parcours chiant au possible, avec je ne sais combien de changement, et pour arriver à pas d’heure…Au final, je prends mon mal en patience, et je reste dans mon wagon. Le train doit partir à 10h et arriver à 17h à Amsterdam. Là, je prends conscience que tout le parcours prévu, les étapes, etc…tout tombe à l’eau. Bien la peine d’avoir passé tant de temps à calculer, à chercher des coins sympas pour dormir. Çà met tout mon programme en l’air cette histoire. D’un autre coté…je peux enfin dormir tranquille, le wagon couchette est vide cette fois et j’ai toute la place pour moi !!!
Je préviens ma femme pour ne pas qu’elle s’inquiète, je lui explique les conséquences de ce retard imprévu. Cela est bien évident, j’avais prévu de commencer à 9h, pas à 17h…et au vue du budget minimal que j’ai pris, dormir à l’hôtel serait handicapant en cas de coup durs sur la route. Dans le fond, je m’en « fous », je me « démerderai » quoi qu’il arrive, même si je dois rouler de nuit. En effet, le soleil se couche tôt en hiver…je bénéficierai de 2h de jour une fois arrivé. 15h, je suis à Emmerich, à la frontière germano-hollandaise, et j’ai le temps de voir passer le temps. La pluie est là au rendez vous, le froid aussi, eux ne font pas grève…
10 Mars : Amsterdam 17h. => à 43 km d’Arnheim, perdu dans les champs.
Enfin, je suis enfin arrivé. Je sors mon vélo du wagon, et une fois sur le quai…je casse la béquille…super, je me sens chanceux moi…Quelque peu agacé par ces contre temps, je pars me prendre un café, dans « mon » bar favori. Je connais bien Amsterdam, çà fait des années que je viens me ressourcer ici, et par conséquent, j’ai mes habitudes.
Une fois au chaud, je commande un double café, ce qui intrigue le videur du bar, qui ne cesse de demander à la serveuse, quel est l’intérêt de ce double café. Çà me fais doucement rigoler dans mon coin, et même si je ne parle pas le néerlandais, je saisi parfaitement le sens de la conversation.
Il est 18h je suis prêt, et je prends enfin la route.
Photo au point de départ, mais comme je ne veux pas qu’un touriste ou qu’un autochtone se tire avec mon appareil, je demande aux policiers de bien vouloir prendre la photo. Dès les premiers 100m, je remarque quelque chose que je n’avais pas prévu : le vent.
De grandes bourrasques me freinent, me poussent, même dans la ville. Je me colle derrière les vélos pour profiter de l’aspiration, et quand on me double, je me colle derrière pour prendre le « train » plus rapide. Un drôle de jeu se met en place. Ah les Pays-Bas, le pays du vélo, je découvre enfin les pistes hollandaises avec leurs spécificités. Dos d’âne, feux tricolores où un compte à rebours indique quand le feu passe au vert. J’ai l’impression de rouler sur les pistes d’initiations au code de la route de quand j’étais gamin. Une voie rien que pour les cyclos, tout y est prévu. C’est vraiment le pied, mais le vent, ce foutu vent est toujours là. Je file vers Abcoude, fais le plein d’eau, et je « boussole », pour retrouver la bonne route. La nuit finit par tomber, et je m’équipe pour rouler de nuit. La route est bien sympa, je me promène sans encombre, mais…à 3h47 (j’ai bien regardé l’heure.), je crève la roue arrière en rase campagne. Au vue de l’heure tardive, je ne cherche qu’un coin où passer la nuit. Un champ à proximité m’offre une belle possibilité, et je me décide d’en rester là pour aujourd’hui, quant à la roue, je m’en occuperai demain au réveil avec le jour.
Dans la nuit, je monte ma tente, m’installe, me fais un petit repas, et me couche.
Il fait froid, mais j’ai prévu un truc qui a bien fait rigolé mes amis : une bouillote.
Elle réchauffe mon sac de couchage avant de m’y glisser. Le confort qu’elle apporte est très agréable…une très bonne idée.
11 Mars : à 43km d’Arnheim => Babberich
72km, 12km/h de moyenne, 39.6km/h Max. 6°C.
Ce matin, je me réveil vers les 9h, déjeune rapidement, et répare ma roue. Afin de ne pas re crever tout de suite, je démonte la roue avant aussi et échange le pneu et la chambre à air de l’avant et de l’arrière. Je regonfle, et je repars.
Au bout du champ, il y a une ferme, et…une voiture de police (Jaune fluo) qui s’y rend. Elle repart en même temps que moi, mais ne me contrôle pas. Je suppose que le fermier ayant vu pousser une tente au bout de son champ, a du appeler…Si jamais, j’avais du m’expliquer auprès de la police, je leur aurai montré ma chambre à air, et leur aurait expliqué le souci de la veille. Je pense qu’il aurait compris, et de plus, j’ai laissé mon campement nickel propre. Je passe, mais je ne laisse aucune trace, pas même un bout de papier, rien de rien.
Je reprends donc la route, et je cherche un réparateur de cycles pour affiner la pression des pneus. Ici aux Pays-Bas, il y a au moins 2 réparateurs de cycles par village. Pression faite, je roule vers Ede. La route suit des pistes cyclables très agréables, mais le vent, ce maudit vent est toujours là. Pas grave, je prendrai mon temps, mais çà force dans les mollets. Finalement, je parviens à Ede vers 19h, et me pose au fast food, pour me restaurer rapidement et au chaud.
Une fois rassasié, reposé, je repars vers Arnheim et comme le soleil est déjà couché (le fainéant…), l’équipement de nuit s’impose. Je retrouve enfin un spot pour camper que j’avais prévu sur Google Earth. Dans une forêt, au bord d’un sentier, assez isolé à priori. Seul un 4x4 passe, mais je monte ma tente, installe mon petit « chez moi ».
C’est là que je découvre ce que j’appellerai le « 30-30-30 ». 30 min pour m’installer tranquillement, 30 min de repos, et 30 min pour dégager quand la police arrive pour me déloger…En effet, il m’explique très poliment que le camping sauvage n’est pas autorisé aux Pays Bas, et me propose de réserver un hôtel dans la ville la plus proche. Par contre, ils sont surpris du bon ordre régnant dans la tente. Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Je pense que cela à du jouer en ma faveur. Ils me laissent replier bagage et me disent qu’ils repasseront voir si je ne suis plus là. Donc, « roule ma poule », il est 21h, et je poursuis ma route vers Babberich. Je finis au fond d’un champ en friche perdu vers le poste frontière. Un campement sommaire vers 3h du matin…et je me dis que çà commence à devenir une habitude de rouler la nuit…
Demain je passe la frontière, et fini les Pays Bas « by night »…
12 Mars : Babberich => Orsoy (près de Rheinenberg).
71km, 12.2km/h de moyenne.
Nuit spartiate, et réveil à 9h…plus tôt, je n’y arrive vraiment pas. Je me fais un gros petit déjeuner, range et décolle enfin. Je constate que je me suis posé à 2km de Babberich. C’est un petit village rikiki, sans que je croise âmes qui vivent. Je passe sans encombre, et me voilà en Allemagne. J’arrive à Emmerich au bord du Rhin, que je vais suivre jusqu’à la maison à Strasbourg.
Sur la place, c’est le marché, je vois des poulets rôtis. Là, je craque rien qu’à l’odeur qui parfume la place. Je trouve aussi un magasin de cycle. J’achète un rétro, une chambre à air supplémentaire pour remplacer celle que j’ai utilisée la 1ère nuit, une nouvelle béquille. Puis un brin de courses, car demain c’est dimanche. Arrivé sur la rive gauche, je passe un grand pont pour rejoindre celle de droite, me trouve une aire de repos, et déguste non sans un certain plaisir mon volatile. Une pause d’1 heure, avec café, etc… Je fais très attention à l’alimentation. Ma femme, diététicienne, m’a mis en garde. « Si tu veux tenir, faut manger…tous les jours, tous les soirs ». Elle m’a fait un menu : Grand froid & sport ; une sage précaution. Je passe par Xanten en longeant le Rhin, et arrive à Rheinenberg. Ne pouvant camper là, je poursuis un peu plus loin vers Orsoy. Je regarde les plans de la ville…pour voir où je peux me poser pas loin. Je cherche un coin sympa dans la nuit fraichement tombée dans une « natürschutzgebiet », une réserve naturelle en français. Dans le fond, je ne fais que passer, et je laisse le coin propre, je ne veux pas déranger. Donc ce coin me va très bien. Cependant afin de ne pas être délogé, comme au Pays Bas, je plante ma tente le plus tard possible, et dans la quasi obscurité. Le mode « Ninja » est de mise ; « pas vu, pas pris ».
Je suis bien là, je mange bien, décompresse, me fais ma bouillote. Dans le relâchement, je ne fais pas attention et pose « mon chauffage d’appoint » sur le tapis de sol gonflable. Belle idée, tiens, celui-ci sous la chaleur se transforme en ballon. La membrane interne s’est décollée et une boule énorme apparaît au beau milieu du tapis : il est foutu. Je suis tellement crevé que je m'endors presque en mangeant.
13 mars : Orsoy => Worringen.
83km, 11.1 km/h de moyenne, 12°C (dans la tente.)
La bouillote et moi-même réchauffons bien la tente, on obtient ainsi 6°C supplémentaire par rapport à dehors. Ce qui est quand même plus agréable pour faire un brin de toilette, et se changer. Petite astuce : l’eau de la bouillote me sert au matin pour faire la petite vaisselle.
Celle du café du matin et des couverts de la veille !!! Comme j’ai des lyophilisé, le contenant sert aussi de gamelle, donc moins de vaisselle, moins de gamelles aussi. Un bon plan çà, mais c’est pas donné comme menu. Cependant, d’après ma femme, c’est hypercalorique aussi, et le kit est bien complet. Barres céréales, pâté, compote, etc…
Aujourd’hui, je suis le Rhin, la route est belle, simple à suivre, et toujours ce vent. Je galère pour avancer et j’ai mal au fesses. Je vois les péniches passer et je m’amuse à faire la course avec elle et on se salut à coup de klaxon. En effet, depuis mon parcours à Rome, je me suis acheté ce klaxon à air comprimé…90dB pour les sourds et les accros de la musique à fond…
Ce soir, je dors à 300m du Rhin dans une autre réserve naturelle. La pluie s’invite aussi, si elle reste légère çà ira. Ma tente est un modèle de loisir, prévu pour l’été, sans double toit, mais légère (1.3kg pour 2 places). Finalement, la nuit fut bonne, et ce petit coin est à garder sous coude si je devais revenir faire le parcours.
14 Mars: Worringen => Leubsdorf.
104km, 11.1km/h de moyenne, 8°C.
Au matin, je vois les péniches naviguer de ma tente.
Je finis quand même par partir, mais à 8h cette fois !!! Je prends enfin des horaires plus convenables. J’arrive à Köln, (Cologne), où, je prends le temps d’écrire une carte pour mon fils. Je passe voir la cathédrale, et je recharge mon téléphone au fastfood.
La dépendance électrique est un aspect contraignant. De plus, comme je voyage seul et en camping sauvage, je téléphone tous les soirs à ma femme pour lui donner ma position exacte. En effet, si je rate un rendez vous, elle sera où lancer les recherches. On n’est jamais à l’abri d’un fou parcourant les bois…je préfère de loin la compagnie des animaux, même des sangliers que celle de hommes. Dans Cologne, je me perds, et j’ai recours à mes vieilles astuces pour retrouver mon chemin : les plans de Bus.
Je suis la ligne qui m’intéresse et je rejoins enfin la bonne direction. Je finis enfin par sortir de la ville, et le Rhin me guide tout droit vers le Sud. Par contre…une petite « connerie », car faut bien appeler les choses par leur nom…j’ai inversé par inadvertance mes sacoches droite et gauche. Du coup, j’ai mon talon qui frotte sur une sacoche. Çà ne dérange pas trop sur le moment, mais le soir venu, je sens bien la tendinite venir à cause de la répétition. Je connais déjà çà, et je sais que çà peut être la cause d’un abandon. Là, je ne rigole plus. Je ne veux pas arrêter une seconde fois ce chemin à cause du même problème. Je cherche un bon coin pour la nuit, et je ne trouve qu’un coin en plan incliné, un coin bien pourri.
La piste cyclable est derrière la haie où je me suis caché. A 15m le train qui passe toutes les 15min, à 30m, la route, avec la circulation et les ambulances qui passent sirènes hurlantes, à 50m le Rhin et ses péniches qui vrombissent, car elles remontent le courant. De ma tente, je sens les vibrations de toutes ces machines, mais ce soir, je me chouchoute. Pansement alcoolisé, bon repas et essaye de dormir tant bien que mal.
15 Mars : Leubsdorf => Fellen
76km, 11km de moyenne.
Réveil à 7h, je commence enfin à prendre le rythme, mais cette nuit ce fut horrible.
Le « foutoir » des véhicules m’ont bien aidé à me lever tôt aussi. Je me chouchoute, me refais un pansement alcoolisé, car, je ne prends pas le début de tendinite à la légère. Du repos ? je ne peux pas, même si je sais que c’est de cela dont ma cheville aurait besoin. Je fais avec les moyens du bord. Ce matin, même si le réveil est tôt, j’ai envie de « glander », et pour une fois que je peux. Car, les « natürschutzgebiet » sont bien, mais comme, je n’ai pas envie de voir débarquer les gardes chasse et qu’ils me collent une amende, je décollais au plus vite à défaut de décoller au plus tôt. Une fois prêt, je reprends la piste qui est de l’autre coté de la haie…et je roule tranquillement vers Koblenz. D'ailleurs, au bord de la route, un vieil allemand me fait un cours d'histoire sur le "Deutch Ecke". Bavard, il me raconte tout pendant au moins 1 heure. Un peu de culture ne fait jamais de mal.
La cheville étant un peu douloureuse, je fais pas mal de pauses, et j’ai l’impression de ne pas avancer. C’est pas évident, mais voilà que le Rhin fait des détours, que la route monte et descend.
Je galère bien mais la douleur s’estompe quand même. Je pense que j’ai bien eu raison de prendre le problème en main au plus tôt.
Je peux râler contre le vent, les détours, mais le chemin est beau à partir de Bonn. Des châteaux, des villages typiques, et ce train qui dénature tout. Depuis la nuit dernière, je ne peux plus le voir, ni même l’entendre. J’ai même cru pendant la nuit que je dormais sur la voie ferrée. Ce soir, je rejoins Fellen, un coin choisi par Google Earth, avant mon départ.
Je m’éloigne de la rive, monte dans la montagne, et rejoins la forêt. Pour une fois, je suis posé à 20h, j’ai du temps pour manger, téléphoner, profiter aussi. Mon fils n’est guère bavard, mais il comprendra plus tard, quand il fera comme moi, car, je suis sûr, qu’un jour, lui aussi prendra la route par « les cornes ». Quant à ma femme, elle assure. Elle attend sans pester, me fait mes menus, et me soutient dans mon parcours. Faudra vraiment que je l’emmène un de ces jours. Par contre, pas dans les conditions actuelles, avec le froid, et les plans « arraches ».
16 Mars : Fellen => Mayence (Mainz).
80.5km, 10.8km/h de moyenne.
Ce jour, ce fut la galère, la journée de la casse. J’ai mon petit pignon qui tourne dans le vide, la cassette sur cette vitesse est HS. Cette fois, c’est le mode « escargot ». Déjà que je n’avançais pas vite, cette fois c’est fini, je rame. Le vent, lui est toujours là aussi. Je ne sais pas comment, mais même en trainant ainsi, je parviens à Mainz. Pour moi c’est déjà une petite victoire, car, c’est là que 3 ans auparavant, je m’étais arrêté avec DD, lors de notre tentative de rejoindre Amsterdam en partant de Strasbourg. Je fais même un détour sur Wiesbaden, en face de Mainz, pour aller faire une photo là où notre parcours s’était finit, là où l’on avait passé notre dernière nuit dans un terrain de jeu pour enfants.
Revoir ce coin me redonne le sourire, et me rappelle plein de souvenirs. Je ne m’attarde pas trop, car, je ne compte pas redormir à cet endroit, trop proche de la ville, voir même dans la ville. Je continue donc un peu plus loin, et file dans la campagne. Je me retrouve dans les vignes, et je me trouve un coin sympa. Je monte la tente, et le vent la secoue pas mal…mon réchaud commence à donner des signes de fatigue aussi. Il est temps que je rentre et que je finisse les 230km qui me reste selon un panneau. Dans le fond, je suis satisfait, même si je n’ai pas encore fini. Cette nuit, le vent souffle comme le loup et je me sens comme un des petits cochon. Çà grince, çà craque, et j’avais un igloo, je me retrouve avec un tipi…les tiges se sont fissurées et cassées.
Demain je verrai comment bidouiller çà, mais pour le moment, je m’attache surtout à bien préparer mes affaires au cas où je devrais quitter ma tente cette nuit au pied levé.
17 Mars : Mainz => Speyer.
105km, 13.1km/h de moyenne.
Finalement, la tente a tenue le coup. Mon « tipi », a une drôle de « gueule ». Je range mes affaires sur le vélo, prends mon café, et essaye de réparer les tiges avec du scotch noir tissé.
Je verrai bien ce que çà donne ce soir quand je devrai remonter mon campement.
Vers 14h, je suis à Worms et je me prends un bon gros cappucino au fast food, en profitant aussi pour recharger mon téléphone. J’appelle ma femme, mais aujourd’hui, je ne suis pas sûr qu’elle ait les mêmes priorités que moi. Je l’appelle quand je peux, c’est tout, surtout quand les batteries sont vides. Les conditions ne sont pas cool, 10°C, il pleut, j’ai mal à la cheville, aux fesses, mon matos casse au fur et à mesure…J’ai demandé à ma femme de garder dans le coffre de sa voiture, une roue arrière, une tente, du gaz, pour qu’elle puisse me le rapporter sur la route si besoin. J’espère qu’elle va assurer car, en mode « sauvage », un petit problème peut vite dégénérer. De plus, je ne compte pas abandonner si près de l’arrivée. Donc, je sers les dents, relève la tête, et j’avance. Lentement, mais surement, j’arrive quand même à Speyer.
Ma boussole, m’aide à traverser les villes, un bon truc dans le fond. Ce soir, je suis de nouveau dans une réserve, au bord du Rhin. Ma tente bidouillée, reprend une forme d’igloo.
Un certain sens pratique, hérité de ma période « scoute », m’est bien utile aujourd’hui. Mon fils devrait en retenir la leçon. Ce soir, en regardant la carte, je constate que je pourrais être demain à la maison…c’est faisable, mais j’arriverai assez tard. J’ai bien envie de tenter le coup, lui faire la surprise. Je repense à mon chemin, au fait que j’aurai dû me retrouver au Japon si je ne m’étais fâché avec mon frère. Dans le fond, je lui ai sauvé la mise, car, on se serait retrouvé dans une belle galère avec le tsunami et les problèmes de Fukushima. Je dois avoir un « ange gardien » qui veille sur moi. A la moindre galère, j’ai toujours eu un « coup de bol » qui me sort de la panade. Cependant, je ne compte pas que sur lui, je compte avant tout sur moi-même. Se surmonter, ne pas lâcher prise, prendre la vie avec humour et philosophie, font parties des leçons de la route. Rien ne sert de s’énerver, la sagesse, la force s’acquière avec l’expérience. On apprend de nos erreurs plus que de nos réussites.
18 Mars : Speyer => Strasbourg.
130km, 13.4km/h de moyenne, 8°C.
Aujourd’hui, je me réveille en ayant l’idée ferme de rentrer chez moi. Les observations de la veille m’ont convaincues. Je démonte ma tente pour la dernière fois, du moins je l’espère.
Il fait froid, la pluie est aussi au rendez vous, mais je quitte ma «réserve naturelle », en longeant le Rhin via la forêt. Je rame, j’avance tranquillement, et je croise des cyclos qui eux aussi ont choisi ce petit coin sympa pour passer la nuit. Par contre, certains d’entre eux sont moins matinaux que moi et à 11h ils en sont encore au petit déjeuner, la tente encore montée. Çà me rassure, je ne suis pas si « trainard » que çà dans le fond. Je me dirige vers Lauterbourg, et passe enfin en France. La route passe le long d’une digue qui longe le Rhin, et se promène plus ou moins dans la forêt. Je compte et recompte les km, je sens que j’approche, mais je ne peux aller plus vite à cause de cette vitesse foutue. Malgré la pluie, je continue, de toute façon, je suis en mode « rien à foutre ». Vers 18h je suis proche de Drusenheim, en pleine forêt quand tout à coup, je suis à plat. La roue arrière vient de lâcher…Je peste, je râle en démontant mes affaires. Y a pas moyen que je reste là, je ne veux pas passer la nuit ici. Je change la chambre à air, et je vérifie mon pneu à la recherche de la cause de la crevaison. A ma grande surprise, je constate un trou dans le pneu.
Je peux voir au travers, je vois les fibres qui s’effilochent. Non…pas moyen que je reste là. Je sors mon scotch noir, et je tente le tout pour le tout. Un pansement dans et sur le pneu. Je fais une croix dedans, une sur l’autre face aussi. Pourvu que çà tienne. Je remonte, regonfle, et repars. J’arrive à Drusenheim vers les 19h, et je cherche une station service pour affiner la pression. Tout est fermé à cette heure-ci sauf un garage auto. Coup de bol, le mécano est retenu par des commerciaux et il aurait du fermé déjà depuis 30min au moins. Je refais la pression et repars dans la nuit. Je vois les panneaux indiquant les villages connus. La Wantzenau, et son golf, son stade de foot, me voilà en terrain connu. Je repasse par la forêt de la Roberstau, où je fais mes promenades dominicales avec mes fils. Même dans l’obscurité, je connais bien ce chemin, je sais que je suis chez moi. Je veux faire la surprise à ma femme, alors je ne téléphone pas même si il est 21h.
Çà y est, je suis en bas de chez moi, j’ai réussi mon pari. Amsterdam-Strasbourg, en hiver, 820 km, en pur camping sauvage. Je prends le temps de faire la photo d’arriver et je range mon vélo discrètement dans la cour, je me charge de mes sacoches et monte les 5 étages.
Peut être l’ascension la plus pénible car je suis épuisé. Aujourd’hui, je viens de faire un record personnel : 130km. Je sonne et je retrouve enfin ma femme et mon fils cadet, heureux de les revoir et fier.
Epilogue :
Je repense souvent à ce parcours, et aux petits soucis de la route. La casse, les retards, etc…et j’en souris aujourd’hui. Certains de mes amis m’ont dis que c’était « courageux ». Personnellement, je ne le vois pas comme çà. Je ne pense pas être quelqu’un de courageux, mais plutôt un gars têtu qui ne lâche pas l’affaire. C’est vrai qu’en général, je ne cède pas à la panique, mais cela ne fait de moi un « courageux », juste un gars volontaire, qui essaye de garder la tête froide pour réagir, plutôt que de laisser venir l’événement. Car, on peut être « vaillant » et avoir peur, mais pas courageux avec cette même peur. Je pense que c’est le terme le plus adéquate ; la vaillance. Quoiqu’il en soit, j’ai quand même réussi à surmonter ma frilosité, les km, les galères. Tout çà grâce à mes bidouilles et mon entêtement.
L’essentiel est là, du moins c’est mon avis.
Aujourd’hui, je me referai bien un chemin aux Pays Bas à vélo. Mon passage fut trop court, mais j’ai vraiment apprécié le réseau cyclable (le vent un peu moins…) et je suis curieux de voir le reste. Par contre, faudra que je prévoie des campings cette fois ci.